| 2 / 12 ans, bafoués violés.**Un logement pas plus cher, et à cette nouvelle, nous étions tous vraiment excités et impatients, sans savoir qu'il n'y avait pas non plus un bon chauffage dans ce logis. Pour ma part, je suis bien heureux de quitter cette masure, tout comme ce quartier devenu très peu fréquentable, et enfin deux semaines plus tard, nous arrivons aux 212 routes de Flandre, dans ce nouvel habitat pour y aménager. Un appartement plus décent pour le nombre d’enfants que nous étions, mais, encore trop juste et qui se trouve situé au 2e étage dans une série d’immeubles, construits de brique rouge, après la guerre 14/18. Nous nous partagerons trois pièces avec un balcon en béton, il y a des commodités des plus simples, mais pour nous cela ressemble à du grand luxe. Ce jour-là ayant un problème de santé, je suis venu avec mes parents le visiter. Je suis entré le premier dans ce nouvel univers, mon opinion n’est pas des plus optimistes. Les murs comme les plafonds non pas vus de peinture depuis x temps, le sol est recouvert de traces noires, le tout suivi d'une odeur vieillotte et âcre comme celle d'un rat crevé. P31
**Un rat crevé resté oublié, les relents m'ont saisi le nez et la gorge, je me suis mis à tousser. Les murs sont humides, transpirant de crasse et de poussières empilées durant les années. Nos parents n’avaient pas encore eu le temps de faire un grand nettoyage, mais je ressentais déjà dans l’air une future corvée. Si mes souvenirs sont encore bons ! Quand je me suis mis à faire le tour de toutes les pièces, ironiquement, je me suis dit en moi-même que j’allais sûrement m’y perdre. Sur la gauche après l'entrée, le cabinet de toilette, je m'y suis faufilé, car j'étais saisi d'une grosse envie, mais celui-ci est déjà bien fatigué avec sa cuvette fêlée et pas de chaîne au réservoir de chasse, juste un bout de ficelle trop court, j'ai donc dû grimpé sur le WC pour actionner la chasse. Le petit coin donnait directement sur une salle à manger de 16 /m2, tous les meubles de notre nouveau nid, ont été récupérés chez l’abbé pierre, EMMAÜS. Un buffet double, une table et six chaises plus une grande commode, et dans un coin la cantine militaire en métal de beau-père, un cadeau de la fin 2e guerre mondiale. P32
**Cette cantine est remplie de divers objets militaires du à sa démobilisation, et j’y avais vu ces décorations militaires, donc une Anglaise qui me dit s’appelait la victoria cross, et un béret rouge de sa compagnie de parachutistes. Dans chaque pièce, au plafond une vieille ampoule pendouille, et un balcon en béton semi-lisse de 90 cm de large sur un mètre de hauteur, fait la longueur de cette même pièce, dont une des extrémités peut servir de fourre-tout. Puis en revenant à l’intérieur, sur le côté droit, il y a la cuisine, elle n’est pas très grande, mais possède l’eau courante. Mais bon, dans notre cabane, il n’y en avait pas, nous devions aller pomper l’eau à l’extérieur ? Alors, pourquoi se plaindre. *La disposition de la cuisine se trouver ainsi, à la droite un bac en ciment de 50 cm de profondeur de forme rectangulaire de 80 sur 60, sa fonction étant de nous servir comme bac douche. Nous n'avons que, de l'eau froide, été comme hiver et une fois par semaine, maman faisait chauffer de l'eau dans une grande lessiveuse, qu’elle déversait ensuite dans ce bac en ciment. P33
**C’est aussi l’occasion pour tout le monde de se laver au moins une fois par semaine à l’eau chaude. Il sert aussi à maman quand elle lave le linge, en plus de la fameuse lessiveuse à champignon traditionnelle. Sur la gauche un évier carré en ciment posé sur deux murets avec dessous, des étagères ou maman y range les casseroles, poêle à frire et une vieille cocotte en fonte, offerte par maman nana notre arrière-grand-mère, le tout se trouve caché par un rideau taillé dans une vieille jupe de maman. À côté de l’évier garde-manger (un placard encastré dans un mur percé de trous avec une porte, qui fait office de frigo). On y entrepose à l'intérieur les produits frais journaliers, quand il y en a évidemment, le lait, yaourts, margarine, saindoux et parfois du jambon. Ce style frigo nous aide bien à tous conserver en attendant d’avoir notre premier réfrigérateur, ce qui ne sera pas pour demain vu le prix. Juste accolé à la porte de cuisine, un placard encastré dans le mur, il comporte deux portes bringuebalantes, on y range la vaisselle, le peu des conserves et aliments divers. P34
** Nous avons ensuite la chambre des parents situés à gauche de la salle à manger, cette pièce faisait à peu près 12 m/2, elle possède un grand lit de 140, une table de chevet, une grande armoire et un lit de bébé. Puis en face de l'entrée une autre chambre, pour les enfants, elle fait environ 14/ m2. À l'intérieur une grande armoire, 2 fois deux lits superposés ! Ceux qui dorment dessous le seront par deux, plus deux matelas à même le sol que l'on glisse sous chaque lit. Enfin bref je reviens à la fin de cette visite qui va finir par une grande phrase de nous tous ? Quand on y reviendra en groupe, ça pue ici ! Il faut que l’on fasse un grand nettoyage ! Sitôt dit sitôt fait, maman remplie à mi-hauteur le bac à douche et y fait dilué de la lessive st marc, beau-père lessive les plafonds, ont ce fait allégrement tous les murs et les sols. Trois heures plus tard, enfin l’appartement sent la fraîcheur, grâce à la lessive st marc et l’eau de javel. Dans la semaine qui suivra, Jean-Yves (beau-père) fera les peintures, murs et plafonds en blanc. P35
**Sauf sa chambre qui sera tapissée d'un papier à fleurs bleu, plus un liseré plus foncé a 20 /cm du plafond. Le temps où nous habiterons ce logement, notre famille s'agrandira, nous serons neuf enfants, sept garçons moi y compris, et deux sœurs plus nos parents dans un 45m/2. Notre beau-père a dû penser que l’on avait encore de la place, ayant fait entrer à la maison quatre chiens. Un loulou de Poméranie blanc que sa sœur lui avait offert et un autre noir, qu’une ancienne copine de coucherie lui a donné. Il a récupéré un berger allemand (Toby) venant de la SPA. Plus tard il a trouvé dans la rue un bâtard noir en perdition qu'il a adopté, lui donnant le nom de (blacki).Les chiens ne sont pas souvent nourris par un manque de moyens, alors à chaque fois que l’on change le dernier bébé, ceux-ci nous volent la couche ? Je ne vous explique pas le pourquoi, beurk. Notre beau-père, il aime ses chiens, bien plus que nous, et il ne se cache pas à nous le faire savoir. Alors, croyez bien, que moins on le voit et plus, on est content, puisque de toute façon pour lui nous sommes des poids morts. P36
**Mais c’est avant tout cause de cet état dans lequel il se met en buvant de la bière ou du vin jusqu'à l’extrême. Cela finit toujours très mal, et très exactement comme à l'époque de notre père. Dans les cris et pleurs, inévitablement la violence des coups, c’est avec une impatience contenue que nous attendons qu’il s’endorme lui aussi, après qu’il est vomi une partie de sa beuverie, que l’on doit nettoyer. Bien entendu, ma pomme s’y colle à chaque fois et moi aussi, j’ai cette envie de vomir le peu que j'ai dans l'estomac. Nous voici arrivés dans la période de fabrication d’abat-jour, les plus grands doivent aider aux montages collages. Il faut que l’on en confectionne au moins 100 par jour, pour que cela soit rentable, ça prend toute la place ! Déjà que la pièce n’est pas grande, mais, l’on y arrive bien, du fait que l’on a peu de meubles à recouvrir notre espace habitable, une chance pour nous. Ensuite, quand l’encollage est terminé, il faut attendre 1 h avant de pouvoir les empiler. Sitôt sec, dès le lendemain, on encolle le cerclage de maintien et le jour suivant nous faisons la pose du galon décoratif pour la finition. P37
**Pour nous ce n’est pas facile à faire, quand on rate la pose du galon, on se faisait pourrir la vie par Jean-Yves. Il nous traitait de bons à rien, de fainéants, ne pensant qu’à jouer. Pour finir, il ne nous restait plus qu’à les emballer par dizaines en y glissant de petits intercalaires en carton. Bref, souvent, il nous arrivait de nous coucher à une heure du matin. Et l’unique remerciement qui nous recevions pour ces heures passées, ce n’était que le néant total, que dalle pas même un sourire. *Notre beau-père a beaucoup de mal avec ces commanditaires, il tarde allégrement à lui payer son dû, ce qui le rend hargneux, cela n’arrangent absolument pas nos finances. Comme dab c’est toujours les mêmes qui en pâtissent ! Allons les enfants à qui le tour. Nous avons eu des hivers très froids sur Paris et banlieues, principalement en 1956, pour la nuit, nous nous couvrons avec un second matelas récupéré dans les poubelles du quartier. Il est en crin que l’ont à moitié évidé pour qu’il soit moins lourd. Dans la salle à manger, notre fameux poêle à bois genre Godin fidèle au poste nous chauffe toujours. P38
**Son ronflement nous berce le soir avant de nous coucher, je suis souvent devant ce bloc de fonte chaleureux. Avec le regard fixe, devant ce petit carré de lumière, je regarde les flammes dansées. J’entends que très légèrement le bois qui crépite en ce foyer rougissant, notifiant sa douleur d’être brûlé au gré d’un invité appel d’air. De tant à autre un retour de fumés réussis à s’échapper me faisant tousser, et me rappelant ainsi que je suis trop près du foyer. Quand on a un peu plus de jours fastes, ou le plus souvent des bons de charbon donné par la mairie, on peut faire ronfler cette masse de fonte aux pépites d’anthracite. Une corvée qui a été assignée aux plus jeunes. Et comme des enfants mineurs de fond, on descendait dans la cave remonter la noirceur du nord, c’est dur pour nous les plus petits, les seaux sont lourds au bout de nos bras chétifs. Le plus souvent, il nous arrivait de supplier les grands, de nous aider à remonter les seaux. Mais ils n’ont pas toujours le temps, où ils sont déjà sur une autre corvée, ou ne veulent pas, tout simplement. P39
**Alors cette heure de corvée devient une galère à en pleurer ! Pour moi, c’est la peur du noir, bah ouais, peut-être à cause de l’ivrogne du 1er étage, qui passe ces nuits dans l’entrée de l’immeuble à dessouler, en vociférant des insultes graveleuses. Il y a aussi les araignées noires avec leurs longues pattes et leurs toiles qui nous collent au visage, et ces saletés de rats qui nous passent entre les jambes, s’arrêtant étonner tout en vous fixant de leurs petits yeux rouges, ça vous filent un sacré frisson dans le dos. Mais tout ça n’est rien, quand vous faites la mauvaise rencontre d’adultes plus que belliqueux du quartier, plutôt enclin à offrir une certaine violence, ils m'ont pris en grippe sans que je n’en sache le pourquoi ! Toujours à vouloir me casser ma belle petite gueule, ce qu’ils me le disent chaque fois qu’il me voit. L'aîné du groupe me dit toujours avec son air méchant et appuyé (il faut que je te nique ta belle gueule de huit ans, tu es trop mignon petit morveux). Ce ne sont que des mots évidemment, mais ils résonnent comme un tremblement de terre dans ma tête et ma poitrine. P40
**Chaque fois, ils m'ôtent mes vêtements, puis ils s'amusent à quelques palpations pour me faire peur, et histoire de rire jettent mes habits et chaussures dans la cave. Moi, nu comme un ver, je dois aller les chercher dans le noir total, le sol est froid, fait de terre battue. Et toujours au plafond ces horribles araignées, qui me regardent avec leurs petits yeux noirs, sans oublier ces fameux rats, ils me font chier ces cons. Depuis mes démêlés avec les grands, chaque fois que je les croise, peu importe l'endroit, même dans la journée, je me méfie d'eux comme de la peste. Nous avons aussi la corvée de bouteille de gaz, au début on l’a transporté à la main sur 3 km, quand tu n’as que 8 ans, tu as l’impression que le chemin n'a plus de fin, ça te coupe les bras et pète le dos. Quelque temps plus tard, nous nous la coltinerons plus facilement à la faveur d’une poussette, celle-ci fut récupérée dans une décharge grâce à mon frère aîné, qui l’a aménagé d’un plancher et d’une corde pour la tirée. Pour mes frères et moi, ce n’était devenu rien de plus qu’un amusement. P41
**À chacun notre tour, nous grimpons avec la bouteille vide, bien sûr, au retour ce trouvant pleine on ne pouvait plus le faire avec le même amusement. Dans le groupe des grands de la cité, j’avais remarqué qu'il y avait le frère de l'une de mes meilleures copines avec qui je reviens de l’école (Josette). Elle est souvent à me prendre par la main et ces frères nous ont vus plusieurs fois, peut-être que ça ne leur convient pas. Je sais bien que l'on ne nous aime pas trop, Jean-Yves avec ces beuveries, ses coups de gueule et nous qui resserrions les rangs, quand l'un d'entre nous était pris à partie dans la citée où à l'école. Sans compter que pour les commerçants du 212, malgré le fait que l’on était la plupart du temps créditeur, m’aimer bien et m’offrait souvent des friandises. Les copains qui se retrouvaient à m’accompagner avaient droit au même avantage, et cela avait vite fait le tour de la cité. Je ne suis pourtant pas un ange ! Nos parents fréquemment absents, du fait de ne revenir que tard de leur travail, ou de beuverie pour Jean-Yves, il m’arrive de ne pas entrer directement à la maison. P42
**Après la classe, j’aime bien retrouver mes copains et copines du 214, route de Flandre, ou au 212 là où je loge, un côté de la cité est habité par les motards, tankistes gardes mobiles, gendarmes d’aujourd'hui. Nous on est du côté civil, et les bâtiments sont séparés par un mur de 2m50, il y a couché sur le dessus des fils de fer barbelés. Ce qui ne m’empêche pas d'y grimper afin de pouvoir retrouver les copains ! Parfois, on se fait courser par le plancton de garde, cela nous fait bien rire, il n'est pas méchant. Et de toute façon, nous courrions plus vite que lui. Je joue souvent sur le terrain vague situé derrière les immeubles des gardes mobiles. C'est là sur cette parcelle de terre encore sauvegardée que je retrouve tous mes copains et copines d'école ou encore ceux du quartier, j'oublie facilement l'heure. On joue au cow-boy au jeté de flèche solitaire, ou encore courir dedans ou dessus les buses en béton. Le futur tout-à-l'égout en construction à Blanc-Mesnil, et c'est sur ces buses qui sont écartées entre elles d'un mètre et que l'on saute en courant que je me suis blessé. P43
**Bien mal m’en a pris ce jour-là ? Après avoir loupé mon élan, ma tête a cogné entre deux buses et c'est comme ça que je me suis cassé deux dents du haut et ouvert la lèvre du bas, plus un sacré mal de crâne. Je suis resté groggy cinq minutes avant que mes amis (es) s'en aperçoivent, mais cela ne m'empêcha pas aussitôt de refaire mes âneries. Ce que l’on aime le plus c’est de faire des acrobaties, des dérapages en fin de pente avec nos vélos poubelles. Des parties de rigolade à plus finir, surtout avec les filles, elles sont aussi casse-cou que la plupart d’entre nous. C'est au cours de cette fameuse partie, que je me suis blessée à la jambe, alors Josette est intervenue pour me consoler tout en me promulguant plein de bisous tendres. Je fus très étonné ce jour-là. *Les freins sont sur le plateau de roue arrière, quand on inverse le pédalier la roue ce bloc net. On récupère tous les vélos sur une décharge, on a de la chance, les gens jettent déjà gras. Chaque fois que l’on fait nos fouilles, on a l’impression de trouver des trésors, un pur moment de plaisir, comme une chasse au trésor. P44
**À force de fouiller dans ces tas immondices, on a accumulé un stock de pièces de rechanges, des câbles et accessoires divers, des pneus pas trop usagés, on en bousille pas mal avec nos dérapages freinages intempestifs. Les copains avec moi, nous les réparons avec plein d’autres ! On les a tous planqués dans une cave inoccupée. Nous avons aussi des quantités de livres, roman-photo et illustrés, des jouets qui sont aussi pour 80% récupérés en faisant les poubelles de la cité, les 20% restants, ce sont mes copains qui me les refilent. Pour ce qui est des illustrés et livres en plusieurs exemplaires, j'en fais l'échange, ou les revend à un bouquiniste mes jours de marché. Mes copains se contentent de friandises de temps à autre vu que ce n’est que moi qui me démerde. Mais le commerçant a fini par trouver que je lui en propose trop et ne lui en achète pas assez. Alors pour qu’il continue à me les reprendre, je ne lui en apporte qu’une fois sur deux. Tout en lui en achetant quelques-uns qui me plaisent ou qui font suite à d’autres, illustrés, par exemple les comics. P45
**Tout ça me fait de la monnaie supplémentaire, en plus de mes heures de marchés le jeudi et dimanche matin. Dans le quartier heureusement pour, la famille, la plupart des commerçants sont de très braves gens. Je vous cite les exemples les plus marquants, ceux à qui parfois nous devons notre survie venant de jours sombres. Le boucher charcutier, un gros homme rougeaud qui s'arrange autant qu'il le peut, de nous placer de beaux morceaux dans les déchets en prétendant que c'est pour nos chiens, des charcuteries diverses (talons de jambons, pâtée, saucissons, etc. Prends qu’il me dit avec sa grosse voix, ce sont des fins de coupes. Puis il me dit, demain tout sera perdu bonhomme, dépêche-toi, range ça dans ton cabas. Je n’en ai jamais vu dans nos assiettes ! Enfin bref, chercher l'erreur. Il n'est pas le seul à nous offrir ces beaux arrangements, nous avons aussi notre crémière, une femme un peu forte, mais d'une si grande gentillesse. Elle à sa façon bien particulière quand on lui présente le fameux petit carnet à point de la maison SPAR, un carnet plein donne droit à la somme de cinq à dix francs. P46
**Sans qu’on lui demande quoi que ce soit, et même si dans la majorité des cas, l’on n’avait pas acheté la quantité requise, suivant le remplissage des cases, elle nous le complétait avec un grand sourire. Nous faisant souventefois crédit de nos achats, quant bien même nous la remboursions que très tardivement, elle ne nous le fit nullement ressentir en nous mettant plutôt à l’aise. Chère crémière qui n’avait pu avoir d’enfant, nous faisaient de gros bisous et des câlins à ne plus finir. Puis avant de partir nous donner des bonbons, en nous disant plusieurs fois comme si l'on fût sourd, ils sont faits pour être mangé mes mignons, allé prenez, j'en vends si peu. Nous, heureux comme des princes, on repartait les poches pleines de toutes ces sucreries diverses. Alors quand la providence m’offrait l’opportunité de la remercier de toute cette gentillesse. Avec un frangin, on s’arrangeait autant de fois que l’on put, à l’aider pour stoker dans sa réserve, ses casiers de lait et yaourt ou autres paquets livrés. Je me sentais heureux de faire quelque chose de concret vers elle. P47
**Il y a aussi la petite femme du boulanger, pas plus grosse que ses baguettes, mais, d'une rare générosité, nous lui achetons neuf pains parisiens, et ce chaque jour ? Bien entendu à crédit, mais cela ne l'empêchait pas, quand il y avait des pâtisseries ou des viennoiseries invendues de nous en faire cadeau, voire même de bonbons. Avec sa voix douce, elle me disait, prend mon petit cœur, allé prend vite, ce sont des restants, demain ils seront rassis ou tournés. J’aurais aimé lui dire que j’aimais rester les yeux fermés devant la porte du fournil à humer l’odeur des pains et croissants chauds sortant du four. Mais ma forte timidité tuait mes phrases et je ne lui offrais que de petites larmes derrière un sourire non forcé. Un beau et tendre souvenir qui me reste grâce à ces personnes, qui nous ont permis de survivre et dont nous avons eu la chance de faire un passage sur le chemin de leurs vies. Ce qui me faisait par là même comprendre que dans ce monde où je déambulais, tout n'était pas forcément noir ou triste et sans saveur. Mais la gaité avait depuis longtemps quitté mes yeux d’enfant. P48
**Moi qui avais peur d'être seul, ou bien être oublié, je faisais une confiance quasis, aveugle envers les adultes. Comment aurais-je pu savoir qu’en allant voir un de mes copains d’école au 214, que son père, qui me trouvait mignon, aimez me prendre sur ces genoux ? Et quand bien même si parfois il me caressait le ventre et bas-ventre tout en prenant ma main, et qu’il la faisait glisser vers son sexe qui était déjà dur. Que pouvais-je comprendre à tout cela, rien de toute évidence et je l’acceptais tel un simple geste de tendresse. Je ne savais pas encore qu’une destinée horrible s'était ouverte sur mon enfant qui ne voyait pas l'enfer des adultes, là où petit à petit les regards et l'envie d'un corps juvénile s'immiscent. P49
Le répit des fêtes.
**Pour moi, le moment des plus féeriques, c’est incontestablement la période des fêtes de Noël et de fin d'année. La mairie via la DASS nous prend en charge, grâce à maman qui fait tout ce dont elle peut. On a tous droit au spectacle de la piste aux étoiles situées au cirque d'hivers à Paris, animé par un M. loyal Rogers Lanzac, avec pour la toute première fois le clown Zavatta, l’unique occasion de mon enfance ou j’aurais d’assister à un spectacle de clown, une bien belle partie de rire. Des voltigeurs, des acrobates et un dompteur d’animaux sauvages ! J'ai eu pour la première fois une peur panique pour des gens que je ne connais pas, à tel point que j'en tremblais ! Tant et si bien que je fermais les yeux à chacune de leurs prestations. Puis, à la fin, du spectacle, je suis allé avec d’autres enfants à la distribution de cadeaux, je devenais nerveux en y pensant, je vais avoir mon premier jouet neuf de Noël ! Je vais avoir quelque chose de pas cassé où pas non plus récupéré dans les poubelles. P50
**Devant moi, une grue de 40 cm de haut, jaune en métal, m'attend, une merveille pour mes yeux d'enfant. Je pleurais, de joie ne faisant pas très attention à un père Fouettard qui distribuait un sachet de crottes en chocolats, tout en hurlant avez-vous été sage, les enfants. Il nous donnait en plus une orange tout en nous redemandant si nous avions été sages, évidemment la réponse fut unanime dans cette foule d'enfants avec un grand oui. Je me suis senti heureux quand pour ma première visite au père Noël, je me suis assis sur ces genoux lors de la photo souvenir. Il me tenait fortement de sa main posée sur mon ventre qu’il avait glissée à l’intérieur de mon Short a même la peau, me disant il ne faut pas que tu glisses. Ce qui m’agaçait c’est que de sa main il me grattait le bas-ventre en caressant mon zizi avec ces doigts glacés. Je n’ai eu aucune réaction, à ce geste, vu que je l’avais déjà subi auparavant chez un copain. Pour mes frères et sœurs et moi-même, cette période est fantastique, on se retrouve dans un monde de chaleur, de joie et de rire, finie les longues journées de cris et de pleurs. P51
**Tout comme celle de tristesse dans une période où la misère journalière a décidé plus ou moins de faire une pose pour ce jour unique. Nous sommes avec nos parents, qui semblent, eux aussi avoir oublié leur problème quotidien. J'ai enfin pu voir maman rire, sourire et discuté avec d'autres gens. Elle parle fort, c’est habituel avec maman, sa voix porte loin, en général elle fait tout pour accentuer son point de vue, c’est une fervente communiste. Qui malheureusement ne sait pas que parler de ses idées de gauche un jour de fête n’est pas une bonne raison, et comme elle pense avoir raison, tu peux te rhabiller pour la faire changer d’idée. Beau-père s’est évaporé une fois de plus sans rien dire, il est parti probablement retrouver de soi-disant copains de guerre et nous ne le reverrons que deux jours plus tard, arrivant tôt au petit matin d’un aspect gris, hargneux et ivre. Nous étions déjà debout afin de préparer les lendemains de fêtes. Il insulta méchamment maman avant qu'elle ne parte à son travail, mais, pour la première fois depuis qu'ils se sont mariés, elle l'envoya balader sèchement. P52
**À peine fut-elle partie ! Eh bien voilà que c’est encore moi qu’il envoie pour lui acheter ses cigarettes (des disques bleu filtre) plus quatre bouteilles de bière Valstar capsule verte, chez le caviste primeur. Celui-ci me fit cette réflexion habituelle comme quoi, je ne pouvais pas lui payer son dû. Ce n’est pas la première fois, mais j’ai encore été choisi et ça m’agace. Ce jour va tout de même être pour moi très différent ! Quant de retour, je lui apporte les courses jusque dans sa chambre, il était déjà bien fortement attaqué par l’alcool, et là, il décide de me faire asseoir sur le bord du lit, commençant tout d’abord par me narrer ces exploits de résistant de la première heure, et combattant volontaire. Moi, comme tous les enfants, je n’en ai rien à foutre des histoires de guerre, elles me sont déjà rébarbatives dans le livre d’histoire, préférant sortir retrouver mes potes. Même si, je me doute un petit peu qu’à 17 ans prendre les armes pour défendre son pays reste un acte courageux. P53
**Il y a un truc en plus qui me rebute chez Jean-Yves, c’est cette odeur de vinasse et de tabac froid qu’il dégage. Au cours de cette narration et pour, je ne sais quelle raison, il vient à me confier qu'il me trouve mignon, gentil et m'aime plutôt bien. Je suis irrémédiablement timide et d’une hypersensibilité, sans vraiment avoir une raison apparente, je me suis mis à trembler et pleuré. Alors à ma grande surprise, il sort son mouchoir essuie mes larmes et passe sa main dans mes cheveux, puis d'une voix doucereuse, il me demande de retirer ma chemise et mon tricot de corps. Sans savoir le pourquoi de cette demande expresse, je recommence à pleurer, mais je me déshabille tout de même par crainte. Mais il ne s’arrête pas là, afin d'affirmer son attachement à ma personne, il me couche sur le lit et me caresse le torse, le ventre et les cuisses et puis les fesses, déboutonne mon short, le fait glissé et promène sa main sur mon pubis et finit par déposer des baisés sur mon ventre jusqu'à la hampe. Mais soudain il se reprend et se met à pleurer ! P54
**Puis me dit d’un ton sec et méchant de sortir de la chambre, je me suis écarter et rhabillé le plus vite possible et sors de la pièce tout en ne sachant le pourquoi de sa colère subite. Je suis retourné dans notre petite chambre d’enfants, en pleure et tremblant comme une feuille. Je suis seul à la maison et j’hésite à partir de peur qu’il ne me rappelle. Quelques minutes plus tard, je l’entends ronfler, je me suis calmé et de toute façon, je n’ai absolument rien compris à ce qu’il me voulait, et ce qui fait malgré tout que je suis soulagé qu’il me laisser détaler. Je suis donc sorti retrouver mes potes du 214 qui se trouve à 1km du 212. J’ai bien cru avoir loupé mon rendez-vous avec mes copains et copines, mais eux aussi ce trouvé être en retard. Pour ce qui est du beau-père, ce geste il ne le recommença plus jamais, ce qui durant le reste des années, je me dois de dire qu’il restera complètement neutre envers moi, du fait même à presque m'ignoré. Il viendra à mon secours, à ma grande stupéfaction, le jour où je me suis laissé bêtement embarquer dans une énorme bêtise. P55
**Cela fut plus dû à mon ignorance que de mes soi-disant mauvaises fréquentations de la cité, qui aux dires de certains ne voyaient pas mes amis d’un bon œil. Quand on est jeune, on se croit indubitablement intouchable, et que rien ne peut nous arriver tout comme l'on croit être immortel, les lois n'existent pas pour un enfant, pas plus que la peur du danger sous toutes ses formes. La seule chose qu’un enfant craint à peu près, ce sont en général ses parents, parfois même les grands-parents. Pour moi sur l’année de mes 10 ans ? C’est surtout de mon second grand-père par alliance en qui j’ai eu peur. Une véritable peau de vache, un coléreux brutal qui pour me punir, le jour où je ne suis pas rentré directement à la maison après la classe, a su comment me le faire comprendre. Un après-midi ma grand-mère absente, il m’a chopé après une venue tardive de l’école. Pour bien me faire voir son désaccord, il sait m’y a me frapper avec sa ceinture en cuir. Mais en ayant bien pris soin auparavant de me retirer mon short, pour que les marques soient visibles sur mes petites fesses blanches. P56 **Plus je crie et pleure, plus il frappe fort, et moi j’ai grand peine a supporter cette brutalité. La semaine suivante nous sommes le vendredi après midi et j’ai de nouveau pris du retard pour rentré à la maison, pour mon malheur, je croise grand-père dans la coure, alors que je suis à discuter avec un copain. Je n'ai pas le temps de lui donner une explication, bonne ou mauvaise d'ailleurs, il a un coup dans le nez parce que l'un de ses clients lui est mordu le nez, après qu'il lui est demandé à payer sa course. Il me saisi par un bras et me fait grimper jusque dans son logement, et là il commence à me traiter de petit voyou, et qu’il allait faire ce qu’il faut pour me dresser. Dans sa colère extrême, il décide de me priver de mes économies, ceux que j'ai amassés par mes matinées de travail sur le marché les jeudis et dimanches ainsi que les jours fériés, plus mes petits arrangements avec le bouquiniste, je déposais mes sous, chez grand-mère dans une boîte en fer munie d'une serrure qu’il brisa d’un coup de marteau. P57
Une peau de vache.
** Ce jour-là, mon ressentiment fut si grand de le voir me voler se que j’avais eu tant de mal a économisé que, je l’ai insultée ! L’outrageant de pervers, de voleur et de peau de vache, je voyais dans ces yeux noirs un grand courroux. Il leva une main, qui s’abattit sur mon visage avec force, ce qui m’envoya de l’autre côté de la pièce. Puis il retira sa ceinture et commença à me frapper avec violence, mais a un moment j’attrapais la lanière et en tirant un coup sec, je la fis glisser de sa main, puis je la jetais sous le bahut. Alors il sortit du cagibi sa baguette de roseau, ce qui me valut une superbe correction. Tout ce qu’il y a des plus douloureux, je le suppliais d’arrêter, mais il ne m’entendait pas, me flagellant sur tout le corps, jusqu’au sang si bien que je me suis évanoui de douleur ! Mais ne me voyant plus bouger, il fut perturbé, il venait de se rendre compte qu’il avait été trop loin. Alors, il me souleva du sol et me déposa sur son lit, d’où je gémissais sur ces draps qui se tachaient de mon sang. P58
**Puis il soigna mes plaies provisoirement, et me laissa tel quel, et il repartit à son métier de chauffeur de taxi. Plus tard mémé rentrant plus tôt que prévu, faisait savoir à maman en fin de soirée qu'elle me gardait chez elle pour plusieurs nuits sans lui donner plus ample explication, en pensant que ça passerait. Ce n’est qu’au terme du congé de la semaine suivante, le matin du week-end, quand je suis revenu a la maison que maman aperçut les marques et les traces sanguinolentes, profondes, violettes parsemant mon dos, mes jambes et bras. M’interrogeant pendant dix minutes, afin d’en savoir le pourquoi de ces marques. Mais moi je n'arrivais pas à trouver d'explication à tout ça, et je pleurais et bafouillé de douleurs encore et encore. Je ne savais pas comment démêler la raison survenue de cette extrême brutalité du père Lenz. Disant tout cela à Maman avec une voix tremblotante ! Je me sentais coupable de ce qui m’était arrivé, que j’avais probablement mérité ce qu’il m'avait infligé. Son visage se durcit, je vois monter sa rancœur, et ces yeux s'assombrirent. P59
**Maman me regardait et voyait ce que grand-père était capable de faire à son petit fils, elle a les larmes aux yeux, il lui est arrivé de nous gifler, mais je n’ai pas réussi à trouver de ce fait un souvenir marquant. Elle nettoie mes plaies et pose dessus une crème spéciale off course pour aider à la cicatrisation. Ensuite, elle me dit d’aller me coucher, pas d’école pour moi ce samedi matin. Je suis content, car vraiment là ! Je ne cherche pas à en rajouter, mais j’ai mal partout. Je suis depuis mon levé sujet à des nausées, totalement éreinter, plus mes plaies qui me tiraillent à peine je bouge ou les touches. Je la regarde éberlué enfilé son manteau, puis me dit qu’elle part ! (Je vais chez mémé et toi vas te coucher, nous en reparlerons à mon retour, tu arriveras bien à te rappeler ce qui s'est passé) ? Je pense qu’elle va probablement lui demander quelques explications. N'arrivant pas vraiment à dormir à cause de mes douleurs, en plus de cette peur à savoir si elle allait le croire lui a mon désavantage. Je me suis donc levé pour tenter de faire mes devoirs, sans grande envie d’ailleurs. P60 |